Le groupe de recherche topologiques

Direction : Catherine Treilhou-Balaudé, Aurélie Mouton-Rezzouk & Daniel Urrutiaguer

 

Présentation


Le groupe de recherche Topologiques se donne pour objet l’étude des lieux, ceux où l’on joue comme ceux où se joue le spectacle vivant, toutes disciplines artistiques comprises : espaces et temporalités en amont et en aval, en périphérie et en prolongement, au seuil, en deçà et au-delà de la scène proprement dite. Dans la continuité pluridisciplinaire des Études théâtrales, il mobilise une multiplicité d’approches disciplinaires et de points de vue, notamment esthétiques, historiques, économiques, sociologiques, politiques, info-communicationnels ou muséologiques, pour analyser les processus de l’événement spectaculaire (ce qui a lieu), excédant l’intérêt pour l’événement scénique proprement dit. Le terme « topologiques » met doublement l’accent sur la polysémie du lieu comme « topos » et sur la dimension systémique de l’agencement entre les différentes strates ou composantes de ce qui constitue, de façon intrinsèque et extrinsèque, le spectacle vivant.

Dans cette perspective originale, sont donc considérés comme des lieux, outre les bâtiments, institutions, espaces exclusivement dévolus ou non à la pratique des arts du spectacle vivant, des textes (les programmes), des formes de discours (le manifeste, l’édito de la plaquette de saison), des médias (le teaser, la revue, l’exposition, les réseaux sociaux), des dispositifs (politique culturelle, plan de formation, programme scolaire), des notions (le patrimoine, le répertoire), des collections, des valeurs…
Relèvent donc de cette perspective, et selon des approches historique, esthétique, juridique et socioéconomique, l’étude des institutions (lieux de programmation, espaces et acteurs de la création, politiques culturelles) et des pratiques professionnelles ; l’étude des espaces (territoires, emplacements, architecture, scénographie) ; l’étude des publics (de la réception à l’action culturelle, des pratiques et espaces de sociabilité aux formats participatifs) ; celle des discours et de la transmission (de l’école à la presse, à la critique, aux blogs…), du patrimoine (des processus de patrimonialisation à la valorisation), de la mémoire (intime et « collective») et des traces de l’événement spectaculaire et de ses processus de création.
Le groupe de recherche anime un séminaire selon des thématiques annuelles. Le séminaire de l’année 2020-2021 est ainsi consacré, en lien avec un programme de recherche franco-russe, un colloque prévu pour le mois de Juin 2021 et un projet de publication, au spectacle vivant in situ. Dans une perspective épistémologique, il se propose, à travers ces chantiers thématiques, de mettre à l’épreuve le « lieu » comme concept opératoire dans le champ des Études Théâtrales, ouvert aux champs disciplinaires voisins des arts et des médias (Cinéma et audiovisuel, médiation culturelle et muséologie, sciences de l’information et de la communication), et plus largement aux sciences humaines.

 

1. Lieux et espaces du spectacle vivant

Le premier axe de nos travaux porte sur les lieux, structures et espaces de création et de programmation du spectacle vivant, que ces lieux soient pérennes ou transitoires, dédiés ou non à ces pratiques.

Une approche historique des structures
En relève d’abord une approche historique des lieux de spectacle, des festivals et des politiques territoriales ; l’étude porte sur leur création, leur implantation, leur architecture, l’évolution de leur statut administratif et de la définition de leur projet artistique et culturel, leur programmation, leur organisation et leurs pratiques, aussi bien que sur les artistes et professionnels qui auront contribué à les ériger et à les faire vivre, ainsi que sur leurs publics.

Les lieux non dédiés au spectacle vivant

Au-delà de ces lieux dédiés au spectacle vivant, nos travaux portent également sur la programmation dans des lieux autres, qui ne sont pas spécifiquement dévolus à cet usage, et aux problématiques des pratiques spectaculaires in situ. L’investigation engagée sur la programmation en coopération avec d’autres structures et institutions, culturelles ou non (musées, bibliothèque, monuments historiques, mais également hôpitaux, prisons…), a fait l’objet du colloque Le musée par la scène (2015) et de l’enquête sur les bibliothèques, objet de plusieurs publications (2017, 2018). Elle se poursuit notamment, d’une part, par l’analyse des convergences des pratiques et des missions au sein des différents établissements culturels (programme de recherche Ces lieux où l’on pense, théâtre, musée, bibliothèque, colloque et publication Des lieux pour penser, 2018), et d’autre part par l’étude des pratiques scéniques spécifiques dans le cadre de l’étude sur la diffusion de la danse en France (2019). En 2020-2021 ces travaux prennent la forme du programme In situ, qui privilégie notamment une approche comparée France-Russie.

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Lieux, espaces, territoires
De cet intérêt pour les lieux découle une attention toute particulière portée aux espaces et aux dispositifs architecturaux et scénographiques, pensés à la fois dans leur contexte architectural et topographique – des bâtiments et des territoires, mais aussi des politiques territoriales –, dans leur contexte économique et socio-professionnel, – quelles logiques, quelles contraintes, quelles professions et quelles pratiques ? – et dans leur contexte culturel – l’agencement avec les pratiques culturelles et artistiques qui les voient naître et/ou qui les investissent. Dans ce cadre, Catherine Treilhou-Balaudé, Aurélie Mouton-Rezzouk et Daniel Urrutiaguer participent au programme « Lieux de concert » de l’Institut Collegium Musicae de Sorbonne Université.

Lieux virtuels et espaces numériques
Les espaces numériques, les sites et les réseaux font aujourd’hui pleinement partie des lieux du spectacle vivant, tant pour les artistes que pour les structures et pour les spectateurs. Ils offrent une pluralité de pratiques et d’objets – formats de création et de diffusion en ligne, instruments de communication, de médiation des publics, pratiques collaboratives et participatives, espaces de sociabilité – dont il convient d’analyser aujourd’hui les pratiques, les objets, les valeurs, et les mutations. Outre une approche prospective par l’investigation des « possibles » artistiques et culturels offerts par le numérique, une attention particulière peut être portée aux enjeux économiques et aux conséquences en terme de politique culturelle des possibilités ouvertes par le redéploiement territorial qu’implique le numérique, voire le (relatif) contournement des lieux institutionnels qu’il autorise.

 

2. Valeur esthétique et valeur économique

Le deuxième axe de nos questionnements portera sur les mécanismes de transformation des jugements des experts professionnels influents dans le monde du théâtre (conseillers artistiques des collectivités publiques, programmateurs, journalistes culturels) sur la valeur esthétique des œuvres en valeur économique dans les circuits de production et de diffusion des spectacles. Quelles sont les logiques d’action et d’évaluation des différents groupes de protagonistes impliqués dans la chaîne de valeur des arts de la scène ?

Les circuits de production et de diffusion
Une attention particulière du programme de recherche porte sur les lieux et espaces de représentation des spectacles et de mise en œuvre de dispositifs d’action culturelle liés à la programmation ou tournés vers l’éducation artistique. Il convient de s’interroger sur les rapports de concurrence et de coopération des établissements culturels et des équipes artistiques dans les circuits de production et de diffusion des spectacles, notamment selon le niveau des réputations corporative, médiatique et numérique.
Les résidences d’artistes constituent un objet d’étude privilégié dans la mesure où elles mettent en évidence les missions et les attentes des différents protagonistes : l’opportunité de collaboration entre les établissements culturels et les équipes artistiques si les temps de création, de diffusion et de rapports aux publics sont équilibrés mais aussi des tensions si les objectifs centraux des deux parties sont trop éloignés. Les résidences de recherche et expérimentation ouvrent notamment des temps d’exploration des espaces.

Les orientations des politiques culturelles
Les mécanismes de distribution des subventions sont encadrés par les dispositifs et orientations idéologiques des politiques culturelles. Il convient notamment de s’interroger sur l’étendue des déplacements des logiques d’action et d’évaluation suscités par les références à la rhétorique des industries créatives ou au développement durable.
Le questionnement sur les liens entre arts de la scène et développement durable a fait l’objet d’un colloque (2017), autour du degré de valorisation de relations plus symétriques entre les artistes et les univers culturels de la population, en résonance avec la reconnaissance légale du respect des droits culturels, et de la viabilité de relations économiques solidaires.

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Les rapports aux publics
Les professions et les pratiques de la communication et du développement des publics entrent également pleinement dans le cadre de recherches consacrées au lieu. Les enquêtes engagées portent sur l’histoire et l’évolution récente des métiers de la communication et des relations avec les publics ; sur les interactions entre les services dédiés et les artistes, notamment dans le cadre des dispositifs d’action culturelle ; sur les stratégies et les moyens, notamment numériques, mobilisés aujourd’hui pour mobiliser l’attention des publics ; sur la circulation des informations et la formation des jugements sur les spectacles et les actions artistiques territorialisées. L’analyse portera en particulier sur les nouveaux points d’attention qui se manifestent aujourd’hui, dans la formation des professionnels comme dans la mise en œuvre des missions : attention aux dynamiques de groupes non conflictuelles ; ambivalence de la place dévolue aux artistes dans les dispositifs d’action culturelle ; mise en avant, dans les stratégies de communication, des activités artistiques offertes aux publics ; intérêt croissant pour des partenariats avec des structures non artistiques.


3. L’expérience péri-spectaculaire


Considérer ainsi les lieux et, corrélativement, les temps, du spectacle vivant, c’est également s’intéresser de près à ceux, en marge de la scène, où il se pense, où il se définit et se raconte aussi, tant du point de vue de la création que de la spectation – de l’affiche au blog, de l’école aux ateliers de pratique amateur, de l’onglet archive du site de théâtre à la visite d’une exposition. Autant de lieux, matériels ou virtuels, de production de discours, de prescription, de réflexion, qui concourent à une définition extensive de ce qui participe du spectacle, en amont comme en aval de la scène, en continuité avec la proposition scénique ou dans un rapport beaucoup plus lointain avec elle.
La définition même de ce qui participe de l’événement théâtral mérite ainsi aujourd’hui d’être repensé, de manière à intégrer, de façon concentrique, l’ensemble des pratiques de création comme de réception qu’elle engage, au cours de l’histoire du théâtre jusqu’à aujourd’hui, et à demain : cliquer sur un lien dans une newsletter, pour voir un teaser avant de se décider, voir une captation après-coup pour se remémorer ou découvrir un spectacle, mener
un bord de scène ou y participer, conserver un écran à main ou un programme de salle, revenir au théâtre pour un café-philo ou (re)tweeter un commentaire ou une photo de scène…
De nouvelles pratiques culturelles, et de nouveaux modes de sociabilité s’inventent aujourd’hui autour du spectacle. Les travaux portent notamment, dans ce cadre, sur la façon dont des pratiques tant artistiques que culturelles et sociales investissent les espaces virtuels et les formats numériques, et dont se définissent des usages inédits en corrélation avec l’apparition de ces supports et matériaux nouveaux, ou réinvestis à nouveaux frais. On parlera ainsi volontiers d’« expérience spectaculaire augmentée » (cf. les rencontres du TMnLab#20 ). Il s’agit ainsi d’explorer la façon dont les formats numériques s’inscrivent dans des enjeux de visibilité et d’accessibilité sur le territoire et jusque dans l’espace domestique, mais aussi dont ils s’expérimentent, le cas échéant, comme un laboratoire esthétique. Participent donc pleinement de l’étude des « lieux » du spectacle vivant celles de la production, de la diffusion et du devenir de l’ensemble de ces objets, pratiques et discours qui anticipent, infléchissent ou prolongent l’expérience spectaculaire.

 
Les membres du groupe de recherche Topologiques


Membres permanents
Aurélie Mouton Rezzouk
Catherine Treilhou Balaudé
Daniel Urrutiaguer
Romain Fohr
Membres associés
Céline Hersant
Claire Bordes
Julien Decoudun
Sabine Gadrat
Ervina Kotolloshi
Bingxin Liang
Eugénie Martin
Yolande Maury
Ginette Ngo Mintoogue
Clara Roupie
Noémie Tessier